Ténor
Quand il accepte de remplacer son collègue pour une livraison de sushis à l’Opéra de Paris, Antoine (MB14, de son vrai nom Mohammed Melkhir), un étudiant en comptabilité et rappeur spécialiste des battles, est subjugué par le talent des chanteurs du groupe de Mme Loyseau (Michèle Laroque). Alors qu’il écoute discrètement Joséphine (Marie Oppert), il se fait remarquer par Maxime (Louis de Lavignère), un élève ambitieux qui considère qu’Antoine n’a pas sa place dans leur univers. Tandis que la tension monte entre les deux, Antoine pousse quelques notes d’opéra et se fait surprendre par Mme Loyseau, qui entend le prendre sous son aile. Le jeune ténor devra donc faire le choix entre l’apprentissage de ce nouvel art ou la poursuite de ses études en comptabilité, mais aura de la difficulté à gérer sa double vie et entretenir le mirage auprès de sa famille et ses amis.
Les films comme Ténor se multiplient en France ces dernières années. Qu’on soit couturière pour Dior (Haute couture) ou encore spécialiste olfactif des roses (La fine fleur), ces récits présentent des élèves naturellement doués dans un monde auquel ils n’avaient jamais imaginé prendre part. Nos héros sont issus de la classe moyenne, ou moins, ont des problèmes avec la justice ou tentent de se repentir. Et, finalement, ils se font remarquer par des sommités du domaine qui feront tout pour les aider à atteindre leurs nouveaux objectifs. Antoine n’est pas vraiment différent de ces autres personnages. C’est son frère Didier (Guillaume Duhesme) qui paie pour ses études, et les deux misent sur les combats de boxe dans le Paris interlope, auxquels Didier participe. Ils se font souvent accoster par la police, et Didier se retrouve même en prison. La différence avec les autres films, c’est qu’on n’a pas poussé complètement cette voie en faisant d’Antoine un jeune homme à problèmes. Il n’est pas voleur, sa relation avec son frère est bonne, il est brillant et doué pour la comptabilité également. Mais lorsqu’il joint le cours de Mme Loyseau, on remarque facilement qu’il ne cadre pas dans ce monde. Comme dans les autres films de ce genre, Antoine a un talent prometteur, mais devra prouver sa valeur aux professionnels du milieu, qui jugent son look, son attitude et son langage. Et bien que le jeune ténor rencontre quelques opposants dans sa quête, ceux-ci ne sont pas présentés comme les grandes menaces qu’elles auraient pu être.
C’est donc là où le film réussit et échoue à la fois : l’ambition d’Antoine semble sortir de nulle part, et le chemin qu’il devra suivre est absent de véritables embûches. On réussit ainsi à ne pas tomber dans les clichés des récits du même type. On échoue, toutefois, à donner vie à la nouvelle passion du jeune chanteur. À cet effet, la scène charnière où Antoine et Maxime parlent d’opéra illustre bien les écueils du scénario. Car quand Maxime demande à son rival pourquoi c’est important pour lui de réussir, il n’obtient pas de réponse, et nous non plus.
N’oublions pas non plus que, pour un récit qui se donne la peine de présenter le monde de l’opéra, les seuls termes que l’on apprend de l’art sont les noms que l’on donne aux balcons des salles. Où sont passées les théories? Le dialecte? Les explications? On aurait voulu se faire gaver de technicités qui démontrent une maîtrise du sujet, quitte à n’en comprendre que la moitié. Je ne me souviens assurément pas du processus de création d’une nouvelle variété de fleur en faisant polliniser plusieurs types qu’on accouple, mais pendant qu’on me l’expliquait, je me disais au moins qu’il était intéressant de plonger à fond dans l’univers qu’on avait choisi pour la trame de La fine fleur. On ne peut pas en dire autant ici. Et c’est dommage. Cela dit, il ne faudrait pas penser que le film est exempt de belles scènes de chant. Si le rythme et les paroles des battles font sourire, les quelques notes d’opéra ont de quoi émouvoir, même si on ne comprend pas l’italien. Par contre, à l’image du récit, les moments où l’on verra Antoine chanter sont dépourvus d’enjeux, et le film aurait bénéficié d’un dénouement à proprement parler au-delà de sa scène finale, dans laquelle le jeune ténor passe une audition avec une pièce qui lui donnait des difficultés plus tôt.
Ténor est donc ce film passe-partout qui ne s’adresse pas nécessairement aux amateurs d’opéra. Les situations qu’il présente manquent de profondeur, mais nous rallient tout de même à son personnage principal. On apprécie les touches d’humour et les passages chantés, dans un récit qui est finalement trop simple. Il s’inscrit bien dans son genre en s’en détachant par moment, même si les différences qui le séparent des autres font aussi en sorte qu’on se sente moins investi dans son récit. On aurait voulu plonger davantage dans l’univers qui nous est présenté. Le résultat est un film acceptable, mais malheureusement oubliable.