Après Frankenstein, c’est le célèbre comte Dracula que l’on retrouve dans ce second film du programme double offert par Paul Morrissey. Si Blood for Dracula sort quelques mois après Flesh for Frankenstein, les deux ont toutefois été tournés consécutivement, et sont en quelque sorte faits pour se visionner l’un à la suite de l’autre. J’ai respecté le souhait de Morrissey et les ai regardés ainsi, et heureusement j’ai plus apprécié ce second volet. Peut-être avais-je baissé mes attentes, ou m’étais-je attaché à Kier, Jürging et Dallesandro? Quoi qu’il en soit, cette histoire m’a plus charmé que celle de Frankenstein, bien que plusieurs moments aient mal vieilli.

On retrouve cette fois Udo Kier en tant que Dracula, un vampire de Transylvanie grandement malade. C’est en fait parce que, pour survivre, il doit constamment boire le sang de femmes vierges et que, dans le moment, il ne parvient pas à en trouver suffisamment dans sa région natale. Son assistant Anton (toujours interprété par Arno Jürging) lui propose alors d’aller en Italie, là où la religion catholique est bien implantée. Il ne devrait donc pas, selon lui, être difficile de trouver une femme vierge à ramener en Transylvanie. Les deux s’embarquent alors vers cette contrée qu’ils croient conservatrice.

Dracula est très faible. Il doit constamment se déplacer en chaise roulante, et le temps commence à manquer pour lui. Anton tente de rallonger autant que possible sa durée de vie, en profitant notamment de l’accident mortel impliquant une fillette pour nourrir le comte. En parlant avec les habitants du village dans lequel ils se sont établis, il a vent de la famille Di Fiore, dont on raconte que le père (nul autre que le grand réalisateur italien Vittorio De Sica) cherche à marier ses quatre filles : Esmeralda (Milena Vukotic), Saphiria (Dominique Darel), Rubinia (Stefania Casini) et Perla (Silvia Dionisio). Si l’aînée a déjà été la promise d’un mariage avorté, les trois autres filles semblent toutefois une source prometteuse de sang pour Dracula. Le comte se buttera cependant au libertinage de deux des quatre filles Di Fiore, qui entretiennent une relation avec Mario (Joe Dallesandro), l’homme à tout faire de la famille. Le comte devra donc redoubler de prudence s’il ne veut pas s’empoisonner et disparaître à tout jamais.

On sent dès les premières minutes la continuité entre les deux films. S’il y a beaucoup moins d’éviscérations, il y a tout de même beaucoup de sang et de sexualité, tout en gardant l’aspect comique qui fait la force du premier film. J’ai toutefois préféré Blood à Flesh, puisque les personnages y sont plus attachants. On parvient à compatir avec Dracula plus qu’avec Frankenstein, bien qu’il soit le vilain du film. Les quatre filles sont également assez attachantes, et la tension est adéquatement créée par Morrissey dans l’attente de la découverte de la non-virginité de deux des quatre filles. Lorsque le comte parvient finalement à goûter au divin nectar, il est foudroyé par des convulsions et des vomissements sans fin, qui sont à la fois crédibles et ridicules, les deux objectifs du film. Si Flesh semblait plus décousu, Blood repose sur un scénario mieux construit. L’histoire y est toujours aussi simple, mais a le mérite d’avoir un peu plus de profondeur et un certain message social. On s’attaque un peu à la chasteté qui vient, du moins en apparence, avec la religion catholique, à une époque (les années 1970, non pas les années 1920 dans lesquelles l’histoire se situe) de libération sexuelle en Amérique et en Europe. Le film apparaît donc plus comme un produit de son temps qu’un simple divertissement, et gagne ainsi en pertinence, du moins pour moi.

On tente aussi de faire passer un certain message en faveur du communisme ou, du moins, du socialisme. Mario en est un fervent partisan, et croit qu’une révolution est à venir en Italie. Il y aura bel et bien cette révolution, mais elle sera plutôt fasciste avec l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini. Mario représente en effet la classe ouvrière, alors que les Di Fiore et Dracula sont issus de l’aristocratie de leurs nations respectives. Cela donne lieu à des situations dont le message ne pourrait être plus clair : lorsque le comte Dracula demande à Mario d’amener son cercueil au 2e étage de la villa des Di Fiore, Mario lui dit qu’il n’a pas d’ordre à recevoir, puisque c’est un employé, et non un serviteur. Le comte réplique alors : « I thought workers and servants were the same ». Il y a donc cet humour de deuxième degré, assurément plus travaillé que le ridicule de Flesh for Frankenstein.

Si le nom d’Andy Warhol est une fois de plus attaché au projet, il n’y a toutefois pas plus participé que dans le premier film. On note la brève apparition de Roman Polanski dans l’auberge du comte, qui a donné à Morrissey l’idée de ce programme double, répétons-le. Blood for Dracula est en somme un film beaucoup plus complet que son prédécesseur. Les décors sont beaux, la musique est tout droit sortie d’un film italien d’époque, et plusieurs scènes mémorables parsèment une fois de plus le récit. L’une en particulier, où Dracula, en désespoir, boit le sang résultant de la perte de la virginité de l’une des filles, est particulièrement troublante. C’est une fois de plus un film qui s’apprécie mieux dans de meilleures circonstances : avec des amis, au cinéma, ou après une soirée bien arrosée. Il y a toutefois un peu plus de matériel à se mettre sous la dent dans ce second volet pour terminer en beauté ce programme double, même si vous le planifiez un mardi soir bien tranquille.

Fait partie de la Collection Criterion (#28).

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