Lola vers la mer
Les récits sensibles aux réalités de la communauté LGBTQ+ sont de plus en plus fréquents au cinéma ces dernières années. On a pu compter sur les excellents Call Me By Your Name, Girl, Laurence Anyways et And Then We Danced, qui ont tous su aborder la diversité sexuelle avec brio. Lola vers la mer, nouveau film de Laurent Micheli (Even Lovers Get the Blues), ne s’élève peut-être pas au niveau de ces films, mais il peut toutefois prétendre raconter une histoire originale. Parfois clichée, parfois crue, mais toujours authentique.
Lola (Mya Bollaers), jeune femme transgenre, est sur le point de se faire opérer. Alors qu’elle vit depuis deux ans dans un foyer à Bruxelles, la mort de sa mère la contraint à retrouver son père, Philippe (Benoît Magimel). Après que ce dernier refuse que Lola assiste aux funérailles, elle vole l’urne, puis retourne au foyer. Son père, mécontent, vient la retrouver, et lui mentionne qu’il doit récupérer les cendres pour les disperser dans la mer, conformément aux souhaits de sa mère. Malgré tout ce qui les oppose, ils décident de faire ensemble le chemin vers le littoral, et ainsi s’enclenche ce road movie père-fille.
Préparez-vous tout de suite à vivre beaucoup de frustrations dans Lola vers la mer. Contrairement au père aimant et compréhensif de Girl (autre film belge sur des thématiques similaires), Philippe est ici totalement intolérant face à la transition que vit sa fille. Tout du long, il ne se résoudra jamais à l’appeler Lola ou lui dire « elle », et ce même si un certain rapprochement aura finalement lieu entre les deux. Il ne tente pratiquement jamais de comprendre ce qu’elle peut vivre, se montrant toujours aussi intolérant scène après scène. Je pourrais dire que cela est cliché, et qu’on souhaiterait qu’à la fin il y ait une prise de conscience du père et que son amour pour son enfant l’emporte, mais tel n’est pas le cas. Mais, avouons-le, la tolérance et l’acceptation des parents de personnes trans sont parfois plus tirés des scénarios hollywoodiens que de la réalité, tristement…
Le film repose essentiellement sur le duo composé de la jeune Bollaers et de Magimel. À cet égard, on a droit à de très bonnes performances de part et d’autre. Bollaers impressionne par son authenticité et sa fougue, toujours sur la mince ligne entre vulnérabilité et le renfrognement. Pour une première expérience au cinéma, elle s’en tire particulièrement bien. Magimel, qui lui donne la réplique, livre lui aussi une performance inspirée. Toujours à vif, il parvient même à nous faire sentir empathique à certains moments, malgré toute la négativité et l’intolérance qu’il dégage. La chimie (ou plutôt l’absence de chimie) opère à merveille.
Le second aspect marquant du film est assurément son esthétisme. La palette de couleurs y est très intéressante, tout comme sa trame sonore signée Raf Keunen, qui allie musique classique et techno de brillante façon. Plusieurs chansons d’artistes queer (4 Non Blondes, Culture Club, Anthony and the Johnsons) complètent également l’ambiance musicale fort réussie du film. La réalisation de Micheli est très efficace et, sans tomber dans le contemplatif, fait ressortir une certaine poésie des images qu’il met en scène.
Malgré le touchant dur récit qui nous est présenté, il faut noter une certaine lenteur scénaristique par moments. Les péripéties se font rares, et une certaine redondance pourra affecter un auditoire moins averti. Les dialogues ne sont pas toujours accrocheurs, mais on aura droit à certaines scènes plus pertinentes (et marquantes) que d’autres. La scène finale pourra en toucher certains, mais généralement c’est un film qui ne nous fait malheureusement pas assez vivre d’émotions (outre de la frustration). Les moments touchants ne sont jamais pleinement touchants, et les réjouissances ne sont jamais assouvies. Au final, Lola vers la mer est un drame intéressant qui ne révolutionne pas le genre, mais qui s’avère une étude de personnages efficace et essentielle. Il saura charmer son public, mais manque malheureusement d’ambition.
Les images sont une courtoisie d’Axia Films.