La Collection Criterion (#31- 40)
Jade
Quelle dizaine! Vraiment, on trouve de tout dans ces 10 nouveaux films. Et on fait encore plus de liens entre eux et avec ceux qu’on regarde à l’extérieur du projet. En regardant la trilogie Spider-Man de Sam Raimi récemment, j’ai remarqué que le costumier était le même que pour Time Bandits de Terry Gilliam. Le monde est petit, hein? De plus en plus on dirait!
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle dizaine a été plutôt riche : plusieurs époques, plusieurs styles, plusieurs pays et, surtout, d’incroyables découvertes. Habituellement, j’aime me promener dans mon classement de la dizaine pour le texte récapitulatif, mais j’irai différemment cette fois-ci.
En 10e position, j’ai placé un peu à regret Andrei Rublev d’Andrei Tarkovsky. Je dis à regret parce que ce film est considéré par beaucoup comme étant l’un des meilleurs de l’histoire du cinéma, rien de moins. Cependant, de mon côté, c’est un genre qui ne vient pas me chercher du tout. Déjà, Stalker, du même réalisateur, qu’on a vu plusieurs mois avant de se lancer dans le projet, ne m’avait pas convaincue. Tout y est trop lent à mon goût et c’est encore le cas ici, quoique ce soit moins pire. Je comprends l’importance de la représentation de la religion dans le film – un peu à la manière de The Seventh Seal – mais, justement comme pour celui-là, le résultat ne le fait pas pour moi. La barrière de la langue étant aussi présente, on passe trop de temps à lire les sous-titres de phrases qui se veulent pleines de doubles sens et de poésie, et on perd le rythme de l’action, déjà qu’il y en a peu.
Cette dizaine nous a donné trois programmes doubles. Deux thrillers français, deux films de yakuza (qui se concentrent sur le crime organisé japonais) éclatés et deux adaptations de romans de Charles Dickens par David Lean. En 9e et 5e place, je mets les deux films de Seijun Suzuki : Tokyo Drifter (9) et Branded to Kill (5). Bien qu’ils soient différents, ces deux longs métrages ont quand même une base commune, soit de mettre le divertissement à l’avant-plan au détriment de la quête de sens. Cela donne donc lieu à des situations impossibles et des personnages étranges dans des mondes que l’on ne cherchera jamais à expliquer. Un peu comme Alphaville, mais en plus humoristique, disons. Branded est à mon avis beaucoup plus réussi que son jumeau, toutefois.
Entre les deux, j’ai d’abord placé Time Bandits (8), que j’avais déjà vu avant le début du projet et que j’avais trouvé particulier. La deuxième fois, sachant à quoi m’attendre (des nains voleurs de trésors dans quelques scènes historiques marquantes + une bataille contre des géants rappelant les alliés de Bowser dans le film Mario Bros.), mais je dois tout de même dire que je n’adhère pas totalement au cinéma de Terry Gilliam. Peut-être que ma seconde écoute de Brazil changera mes perceptions dans quelques numéros!
En 7e position, je mets Armageddon, classique de mon enfance qui a « étrangement » sa place dans la Collection. Malgré le fait que le film n’a aucun sens et qu’on surutilise les clichés, on dit qu’il ne faut pas bouder son plaisir et c’était sympathique de retrouver un film de ce genre dans la collection!
Mon palmarès fait ensuite place à notre premier documentaire, Nanook of the North (6). Malgré les polémiques sur le tournage (représentation parfois faussée du mode de vie des eskimos, scènes qu’on disait orchestrées, le fait que le réalisateur ait présenté deux femmes comme celles de Nanook alors qu’elles étaient les siennes, et, finalement, le nom même de l’eskimo (!)) le documentaire reste tout de même excellent. Les images sont belles, la famille est attachante et, en plus, ça se passe près de chez-nous!
Les quatre derniers films à présenter sont tous des chefs d’œuvre à mon avis. Les classer a été plutôt difficile, bien que le numéro 1 soit ressorti du lot. Fait intéressant à noter : ce sont toutes des adaptations de romans.
En 4e place, je passe à Henri-Georges Clouzot avec Le salaire de la peur, un genre de Speed (quoique meilleur) où la tension se fait bien ressentir pendant toute la seconde moitié par l’usage de la musique et des plans rapprochés. Chapeau également à la pluralité des langues et aux personnalités différentes des quatre personnages principaux. Comme il s’agit à la base d’un roman, ce ne sont pas tous les éléments, malheureusement, qui proviennent de l’esprit de Clouzot.
En 3e et 2e position, je suis plus que ravie de placer les deux David Lean de la dizaine. J’avais ADORÉ Summertime au 22e rang de la Collection, et je constate que j’aime beaucoup le travail du réalisateur : sa façon de jouer avec la lumière, de présenter des scènes sous des angles qui servent le propos (en contre-plongée quand on se place près des enfants, par exemple) et l’ambiance générale qui se dégage de ses films. Encore là, on est ici dans des adaptations de romans de Dickens, donc il est difficile de cerner à qui revient le mérite, mais Oliver Twist (3) et Great Expectations (2) sont excellents et élèvent définitivement Lean à un rang de réalisateur qui me plait beaucoup.
Le grand gagnant de cette dizaine (et mon premier 9/10 depuis The Silence of the Lambs (!)) est Les diaboliques, de Henri-Georges Clouzot, tout simplement époustouflant. Alors qu’on croyait avoir cerné ce qui se passait vraiment dans le film, on réalise finalement que le thriller nous amène sur plusieurs fausses pistes jusqu’aux dernières minutes. J’ai vraiment aimé l’enquête policière (avec un détective rappelant aisément Columbo) et le stress des héroïnes quand leur meurtre prémédité ne se passe pas tout à fait comme prévu. Plus le temps passe, plus l’histoire est prenante, et c’est l’un des rares titres desquels je garde encore une forte impression quelque temps après le visionnement.
Globalement, cette dizaine était particulièrement forte. L’ajout d’un 9/10 à mes notes a même changé mon top 3 général et les autres films se classent plutôt haut dans mon tableau récapitulatif. J’ai énormément de plaisir à découvrir ces bijoux parfois insoupçonnés. Les bandes-annonces des 10 prochains semblent prometteuses encore une fois! Quelle richesse que cette Collection!
Mon classement :
10- Andrei Rublev (1966) d’Andrei Tarkovsky
9- Tokyo Drifter (1966) de Seijun Suzuki
8- Time Bandits (1982) de Terry Gilliam
7- Armageddon (1998) de Michael Bay
6- Nanook of the North (1922) de Robert Flaherty
5- Branded to Kill (1967) de Seijun Suzuki
4- Le salaire de la peur (1953) de Henri-Georges Clouzot
3- Oliver Twist (1948) de David Lean
2- Great Expectations (1946) de David Lean
1- Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot
Mon top 3 :
3- La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau
2- Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot
1- The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan Demme
Alex
Je crois que cette dizaine est la plus forte de la Collection jusqu’à présent, ou du moins celle qui a le plus correspondu à mes goûts en matière de cinéma. Plusieurs films figurant au bas de ma liste auraient pu faire partie du top 3 de la dizaine précédente. Je distingue tout de même une division claire entre les cinq premiers et les cinq derniers films. Chacun des films à l’intérieur de ces deux blocs pourraient facilement être interchangeables selon mon humeur. Voici donc mon impression des films de cette quatrième dizaine!
Je débuterais avec le premier film de mon classement : Les diaboliques. Quel grand film! Je crois qu’il serait universellement connu de nos jours, si ce n’était de Psycho d’Alfred Hitchcock, réalisé par le maître du suspense en réponse au chef d’œuvre d’Henri-Georges Clouzot. Ces deux films sont similaires en plusieurs points (Hitchcock a d’ailleurs failli réaliser Les diaboliques, mais n’a pas réussi à obtenir les droits du roman à temps face à Clouzot), et la seule raison qui explique pourquoi Psycho est devenu plus populaire est probablement la renommée de son réalisateur, combinée au fait que le film ait été fait en anglais. Qu’importe, quiconque adore les thrillers sera ravi de voir qu’un film de 1955 peut amener son lot de surprises, autant dans sa structure que dans son contenu.
Le salaire de la peur, lui aussi de Clouzot, est probablement l’un des films les plus stressants de l’histoire du cinéma. Si la première heure aurait gagné à être raccourcie, le reste du film vous tiendra en haleine tout du long. Parcourir 500 kilomètres sur des routes hasardeuses avec plusieurs bidons de nitroglycérine ultra combustible, voilà de quoi vous faire grisonner avant le temps! Avec ce programme double signé Clouzot, ce dernier est en voie de devenir l’un de mes réalisateurs français favoris.
Parlant de programmes doubles, cette dizaine en comportait deux autres. Le premier nous vient de David Lean, que l’on avait déjà apprivoisé plus tôt dans notre projet. Avec ses deux adaptations de Charles Dickens, Lean prouve qu’il a un véritable talent pour allier une bonne histoire à un style visuel impressionnant. Si j’ai finalement préféré Great Expectations à Oliver Twist, les deux sont pratiquement équivalents au niveau de la qualité du spectacle qui nous est présenté. Je dois définitivement m’attaquer aux autres films épiques de David Lean qui ont fait sa renommée et qui ne font pas partie de la Collection.
Le dernier programme double m’a laissé un peu plus sur ma faim, malheureusement. Si Branded to Kill de Seijun Suzuki s’est avéré rafraîchissant et déboussolant, Tokyo Drifter, pourtant son plus connu, m’a laissé indifférent. Bien qu’il ait été tourné en couleurs, ce dernier propose une histoire trop traditionnelle, et en le regardant après Branded, on a l’impression que les deux films n’ont pas été réalisés par la même personne. Il aurait probablement fallu qu’on les visionne dans l’ordre chronologique, ce qui n’aurait pas rehaussé mes attentes envers le second. Quoi qu’il en soit, Branded to Kill présente plusieurs éléments que j’adore dans un film : la déconstruction, l’absurde, le série B et le chaos. C’est un film qui ne plaira assurément pas à tout le monde, mais qui s’est avéré être une belle découverte.
L’étudiant en histoire que je suis s’étonne de n’avoir jamais entendu parler avant de Nanook of the North, l’un des premiers documentaires de l’histoire, et l’un qui a été tourné dans le grand nord québécois qui plus est! Plusieurs discréditent ce film en raison de ses nombreuses mises en scènes et ses erreurs anthropologiques. S’il est évident qu’il faut connaître le contexte de production pour bien le cerner, je suis d’avis que malgré toutes les mises en scènes possibles, on ne peut pas « fabriquer » un épisode de chasse au morse ou la construction d’un igloo. Peut-être se montre-t-il plus sérieux ou plus informatif qu’il ne l’est en vérité, mais Flaherty tente de jeter en images un mode de vie qui disparaît rapidement, et qui n’existe déjà presque plus en 1922. Pour moi, c’est un document d’archive important, que l’on devrait tous avoir vu dans nos cours d’histoire au secondaire.
Je ne m’attarderai pas longtemps sur Andrei Rublev puisque le texte de Jade résume bien ma pensée sur ce film. Je suis tout de même déçu de le placer aussi bas, et j’espère que j’y trouverai plus mon compte quand je serai plus vieux, ou quand j’aurai suffisamment affûté mon regard critique. Je termine avec deux films que j’avais déjà vu auparavant, et desquels mon opinion n’a pas vraiment changé lors de cette écoute. Ce sont Time Bandits et Armageddon. Si j’avais bien en mémoire le premier puisque nous l’avions vu il y a quelques mois à peine, cela faisait au moins 10, voire 15 ans que je n’avais pas vu le classique (ou navet?) de Michael Bay. Je crois que c’est un film qui a suffisamment marqué ma jeunesse pour que je l’apprécie plus que je ne le devrais, mais j’ai surtout été surpris du fait que, malgré ses 2h30 et que nous le visionnions après un autre film de deux heures, le film m’a gardé éveillé tout du long. C’est rafraîchissant de voir ce genre de films dans la Collection. Cela crée un bon contrepoids aux films plus indépendants, et nous rappelle que les blockbusters font eux aussi partie de l’histoire du cinéma! En fait de films de désastres, on peut difficilement faire mieux… Encore faut-il aimer de genre de films!
Bref, ce fut une excellente dizaine, assez peu diversifiée à mon goût, mais tout de même très intéressante. On a visionné le plus vieux film de la Collection, le plus récent (jusqu’à présent), mais on n’est pas vraiment sorti de ce que l’on connaissait déjà (des films américains, britanniques, français et japonais, avec l’Union soviétique comme exception). Les dix prochains s’annoncent beaucoup plus diversifiés, avec un film iranien et norvégien notamment. Il y aura également beaucoup de cinéma britannique, avec lequel j’entretiens une relation amour-haine. À suivre..!
Classement
10- Tokyo Drifter (1966) de Seijun Suzuki
9- Andrei Rublev (1966) d’Andrei Tarkovsky
8- Time Bandits (1981) de Terry Gilliam
7- Armageddon (1998) de Michael Bay
6- Oliver Twist (1948) de David Lean
5- Branded to Kill (1967) de Seijun Suzuki
4- Nanook of the North (1922) de Robert J. Flaherty
3- Le salaire de la peur (1953) d’Henri-Georges Clouzot
2- Great Expectations (1946) de David Lean
1- Les diaboliques (1955) d’Henri-Georges Clouzot
Mon top 3
3- High and Low (1963) d’Akira Kurosawa
2- La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau
1- The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan Demme