Baby Geniuses
Prenez un moment pour visionner la bande-annonce ci-haut. Sérieusement. Cessez tout ce que vous faites et visionnez-la. Ensuite, faites-vous une faveur, et ne regardez jamais Baby Geniuses dans son intégralité. Ce sont 97 minutes de votre vie que vous ne pourrez jamais regagner et qui vous sauveront d’une visite chez le dentiste pour bruxisme abusif. Ne lisez même pas le présent texte, car il ne vous apprendra rien qui soit utile de savoir. Ce sont 5 minutes que vous ne pourrez jamais regagner.
Toujours là? N’avez-vous donc rien de mieux à faire que de lire un texte qui démolit un film pour enfants? Je sais ce que vous vous dites. « Regardez, un critique de cinéma qui n’aime pas un film pour enfants. Quelle surprise! » Sachez que je n’écris pas ce texte de gaieté de cœur. J’aurais aimé mieux regarder un match de hockey que de visionner Baby Geniuses. J’aurais pu donner quelques heures de mon temps à un organisme de charité plutôt que de visionner Baby Geniuses. J’aurais préféré aller marcher en pleine crise du verglas que de visionner Baby Geniuses. Mais, puisque je suis masochiste, j’ai préféré visionner Baby Geniuses, dans le but de visionner Superbabies : Baby Geniuses 2, qui tous deux font partie du « Bottom 100 » d’IMDb. J’aurais pu prendre des nouvelles de mes grands-parents plutôt que d’écrire cet article inutile et impertinent. Pourquoi ai-je choisi de visionner Baby Geniuses? Probablement pour empêcher de gâcher l’enfance de nombreux bébés qui, eux, deviendront des génies un jour.
Tout commence avec l’évasion plutôt risquée de Sylvester, alias Sly (les triplets Fitzgerald), un bébé aux capacités cognitives impressionnantes et aux habiletés de judoka notoires. Tenu captif par les docteurs Elena Kinder (Kathleen Turner) et Heep (Christopher Lloyd), Sly a tenté de s’échapper du centre de recherche BabyCo, qui s’intéresse au langage des bébés et à leur intelligence, qu’ils perdraient lorsque vient le moment d’apprendre leurs premiers mots. Sly est évidemment retrouvé par les nombreux agents de sécurité qui cernent le laboratoire, mais il réussit le jour suivant à s’échapper pour de bon, pour tomber face à face avec son jumeau, Whit, élevé par la nièce du Dr. Kinder. Tels « Le prince et le pauvre », les deux échangent leur place, et s’engage alors une tentative de rescousse de Sly qui vise à démanteler BabyCo.
Le réalisateur Bob Clarke est bien connu pour ses classiques Black Christmas, Porky’s et A Christmas Story. Avec Baby Geniuses, il est entré dans les annales du cinéma en faisant l’un des pires films de l’histoire (et sa suite 5 ans plus tard). Qu’est-ce qui en fait un mauvais film? Plusieurs choses, mais débutons par la plus évidente : les effets spéciaux. Ce film détient en effet la distinction d’être le premier long métrage à utiliser le CGI (Computer Generated Imagery) pour le langage des personnages. Les enfants ont une bouche qui parle comme vous et moi, un peu à l’image d’un sketch des Têtes à claques, ce qui rend bien évidemment le tout assez malaisant. Si on ajoute en plus une animation corporelle des plus inadéquates qui permet entre autres aux bébés de danser sur « Stayin’ Alive » ou de faire du karaté, nous sommes en présence d’un pur déchet visuel. J’avoue toutefois que certains effets spéciaux m’ont laissé perplexe. La plupart sont véritablement horribles, mais ils vous font tout de même vous demander comment on a pu les accomplir. Lorsqu’on apprend que les « bébés » avaient pour la plupart 5 ou 6 ans, une grosse partie du mystère disparait.
Mais c’est également le scénario qui pose problème. En fait, malgré sa relative simplicité, j’ai eu beaucoup de difficulté à comprendre la succession des scènes qui mènent au dénouement final. On complexifie grandement le dialogue plus « scientifique » (ce qui me laisse croire que les enfants n’y comprendront absolument rien) pour expliquer un concept assez simple : et si le baragouinage des enfants était en fait une langue dont nous avons perdu l’usage. Cool, n’est-ce pas?
Non, pas vraiment, puisqu’au final Baby Geniuses est d’un ennui mortel, un film qui peine à garder notre attention ne serait-ce que 5 minutes consécutives, et dont les quelques aspects ringards et rigolos perdent rapidement leur attrait humoristique. Nous ne sommes pas à proprement parler en présence d’un so bad it’s good, puisque tout est sensiblement mauvais, mais jamais suffisamment pour nous faire rire plus d’une ou deux fois. La distribution est somme toute correcte, bien qu’on se demande pourquoi quiconque aurait souhaité faire partie d’une telle production. Le problème réside peut-être dans la trop grande place qu’on laisse aux bébés dans le récit, qui sont véritablement terrifiants.
Mais qu’en est-il du public cible? Les enfants peuvent-ils y trouver leur compte? La réponse est catégorique : non. Je ne souhaite à aucun enfant d’un jour tomber par inadvertance sur Baby Geniuses qui joue à la télévision un samedi matin, puisque les parents auront de sérieuses crises de larmes à gérer. Outre le langage aucunement adapté aux enfants, on y retrouve de nombreux éléments effrayants, à commencer par une espèce de bébé géant (voir la photo plus haut), la mascotte d’un parc d’attraction intérieur que possède BabyCo. En plus de ses yeux globuleux, il s’exprime avec une voix grave qui inspire la terreur et qui pourrait faire passer un clown comme le meilleur ami des enfants. Puis, le peu de scènes d’action stimulantes fera assurément décrocher la plupart des enfants.
Baby Geniuses est l’exemple typique d’un film pour enfants qui a des intentions louables, mais dont l’exécution est complètement ratée. Ce n’est pas le pire film que j’ai vu, mais son ennui mortel et ses problèmes tant scénaristiques que visuels contribuent grandement à son aspect ridicule et oubliable. Si seulement il parvenait à se réinventer dans sa propre médiocrité, peut-être aurait-il le potentiel de s’élever parmi les classiques bidons tels The Room ou Mac & Me, mais dans sa plus simple expression, Baby Geniuses est un film familial raté, tout simplement. Peut-être que ses multiples suites (dont les titres pourront rappeler les tout ausis nombreux Air Bud (les « Tobby » en français) pourront nous convaincre du contraire? À suivre…