The Unbearable Lightness of Being
Inspiré du roman de Milan Kundera, The Unbearable Lightness of Being de Philip Kaufman (The Right Stuff, Quills) suit les aventures (dans les deux sens du terme) de Tomas (Daniel Day-Lewis), un chirurgien célibataire endurci vivant en République Tchèque (à l’époque faisant partie de l’U.R.S.S.) On le retrouve quelques semaines avant le printemps de Prague, cette période de révoltes et de libération, qui sera toutefois réprimée par l’invasion russe au mois d’août. Tomas entretient une relation libertine avec Sabina (Lena Olin). Les deux ne recherchent que le plaisir corporel sans attachement émotionnel, et chacun vit bien avec la situation. Alors qu’il doit procéder à une opération à la campagne, Tomas fait la connaissance de Tereza (Juliette Binoche), une jeune femme énigmatique qui l’obsèdera. Il abandonnera alors tous ses principes (il ne laissait jamais une femme, après une aventure d’un soir, dormir chez lui) en permettant qu’elle vienne vivre avec lui à Prague. Il finira par la marier et vivre une vie de couple relativement normale, toujours en étant tiraillé entre ses envies et sa fidélité.
Le roman de Kundera a longtemps été considéré comme impossible à adapter, et l’auteur s’est d’ailleurs dit déçu de la version définitive du film. Le réputé Jean-Claude Carrière avait proposé une histoire plus fidèle et artistique, mais Kaufman y aurait apporté des modifications pour la rendre plus accessible. La réception, à l’époque, est aux antipodes. Autant on a salué le fait qu’on soit parvenu à capturer l’essence du roman, autant on a critiqué plusieurs libertés prises. Kundera sera par la suite très protecteur de son œuvre, refusant que ses autres romans soient portés à l’écran. Que vous aillez lus ou non le livre, je crois qu’il faut, dans ce cas-ci, considérer les deux versions comme deux œuvres distinctes.
Bien qu’il comporte bon nombre de scènes explicites, c’est surtout pour ses personnages et les réflexions diverses qu’il a inspirées que le roman s’est bâti sa réputation de classique littéraire. Toutefois, on se souviendra du film de Kaufman presque exclusivement pour son érotisme, à une époque où c’était assez rare pour un film hollywoodien de le faire. On dit de lui à l’époque que c’est l’un des meilleurs films érotiques sérieux depuis Last Tango in Paris, et avec raison, car on ne verse jamais dans la pornographie. Chaque scène sexuelle a un objectif précis : elle sert par exemple à représenter une émotion que l’un des personnages ressent ou encore à caractériser la personnalité de l’un d’eux. Oubliez ainsi les parallèles avec des films comme 9 1/2 Weeks ou Fifty Shades of Grey, où l’on rend l’acte sexuel glamour. Ici, les scènes osées sont brillamment photographiées, certes, mais sont également tristes, déconnectées presque, par moment. Le film nous rappelle que le sexe n’a rien à voir avec l’amour, du moins pour certains personnages.
La direction photo et les excellentes interprétations du trio sont à l’honneur ici. L’usage nombreux de miroirs ajoute étrangement à l’érotisme et à la sensualité des plans, et la sexualité n’est jamais gratuite. Day-Lewis, devenu avec les années probablement le meilleur acteur de sa génération, s’était fait connaître à l’époque pour My Beautiful Laundrette et A Room with a View, et The Unbearable Lightness of Being a définitivement aidé à le faire connaître aux États-Unis comme un acteur sachant interpréter une multitude de rôles variés. Toujours très investi dans ses rôles, il aurait appris le tchèque même si le film a été tourné en anglais (!) Son interprétation confiante et affirmée est magnétique, et son charisme transcende l’écran. S’il peut paraître comme étant le personnage principal, il cède sa place dans la seconde moitié à Lena Olin et Juliette Binoche, toutes deux excellentes. Olin incarne à merveille la femme fatale, alors que Binoche, véritablement le cœur et l’âme du film, est tout simplement touchante. Les deux actrices en étaient d’ailleurs à leur premier rôle en anglais, et on ne pourrait demander mieux comme introduction hollywoodienne.
Pour autant que ses qualités soient indéniables, le film souffre à mon avis de nombreux problèmes de rythme. Je n’étais pas familier avec l’œuvre de Kundera avant le visionnement, je ne m’attendais donc qu’à un film sur la sexualité, comme sa réputation l’entend. Rattacher l’expérience des personnages au printemps de Prague est intéressant, mais à mon avis sous-estimé dans l’adaptation. C’est même davantage distrayant qu’autre chose ici. Certes, les personnages vivent avec les répercussions de cette insurrection, mais celle-ci ne joue jamais un assez grand rôle pour qu’on en vienne à vraiment s’intéresser au message politique derrière le tout. L’amalgame d’images d’archives et de scènes reconstituées qui clôt le premier acte est intéressant – et fait en quelque sorte avancer l’histoire de Tereza et Tomas – mais il détourne l’attention de ce qui devrait être à l’avant plan : la psyché des personnages. Il est évident que l’événement occupe une place importante dans le roman, mais ici cela s’est transposé très accessoirement, à mon avis.
The Unbearable Lightness of Being est l’un de ces drames épiques (il dure près de trois heures, tout de même) qu’on ne fait presque plus aujourd’hui. J’ai toujours apprécié ce genre de films à la Legend of the Fall, Howard’s End ou The Color Purple qui avaient le luxe à l’époque d’attirer les foules malgré leur durée. De nos jours, seuls les films de superhéros peuvent justifier leur longueur, les studios croyant probablement que la durée d’attention du spectateur a diminué avec les années. Un film qui prend le temps de bien développer toutes les nuances de ses personnages a toujours beaucoup de crédit à mon avis, mais j’avoue qu’ici le film traîne en longueurs, surtout lorsque le couple quitte Prague (une seconde fois) pour la campagne. Le tout m’a semblé redondant, et c’est à ce moment que j’ai décroché, le film n’ayant plus rien à m’apprendre à ce stade. Le troisième acte n’est pas nécessairement superflu, mais il contribue à dramatiser davantage un récit déjà bien dramatique. Dans l’ensemble, toutefois, The Unbearable Lightness of Being est un bon film, qu’on s’étonne qui existe tant tout semble jouer contre lui. Un ovni heureusement préservé dans la Collection Criterion.
Fait partie de la Collection Criterion (#55).