White Christmas
Souvent considéré à tort comme la suite du charmant Holiday Inn sorti en 1942, White Christmas a toutefois su, comme ce dernier, s’imposer comme l’un des plus grands classiques du temps des Fêtes. Et on peut aisément comprendre pourquoi, que ce soit avec la réutilisation des mêmes décors, un concept assez similaire (un duo d’interprètes livre des performances dans une auberge en campagne) ou même de la chanson titre (éponyme, mais entendue pourtant pour la première fois dans le film précédent). Bref, les parallèles sont nombreux. On a même voulu recréer l’équipe devenue iconique Crosby-Astaire, bien que ce dernier, à la retraite alors, ait refusé. Certes, plusieurs similitudes font que ces deux films sont intimement liés. Détrompez-vous toutefois : White Christmas n’a pas besoin de la réputation de Holiday Inn pour briller de son chef.
Le film s’ouvre grandiosement, d’abord avec l’annonce qu’il sera en format VistaVision (premier film de Paramount à utiliser ce procédé et qui permet une image très claire, parfaite pour la restauration) pour nous montrer ensuite deux soldats, Bob Wallace (Bing Crosby) et Phil Davis (Danny Kaye), qui offrent une prestation à leur unité d’infanterie en pleine Deuxième Guerre mondiale. Après quelques réticences de Wallace, les deux en viennent à former un duo à leur retour au pays, performant aux quatre coins de l’Amérique sous les acclamations du public. Ils reçoivent un jour une lettre d’un ancien camarade de l’armée leur demandant d’assister au spectacle de ses deux sœurs. Ils s’y rendent, Davis nourrissant secrètement l’espoir que Wallace s’entiche d’une femme. Rendu là-bas, la plus jeune des deux sœurs, Judy (Vera-Ellen), plait immédiatement à Davis, et une certaine chimie semble opérer entre Wallace et Betty (Rosemary Clooney, la tante de George Clooney). Lorsque le propriétaire de leur appartement arrive et menace de mettre les soeurs à la porte, les militaires décident de leur donner leur billets de train pour qu’elles puissent se rendre au Vermont, où elles doivent performer dans quelques jours. Wallace et Davis décident alors de les rejoindre, et ce joyeux groupe se rend ainsi dans le « Green Mountain State » sans savoir que l’auberge à laquelle il logera est par hasard la propriété du général (Dean Jagger) qui dirigeait les deux hommes durant la guerre.
Ce qui vous frappera dès les premières secondes, c’est l’impressionnante qualité d’image, les couleurs éblouissantes du film. Certes, la restauration permet de voir assez rapidement les faux horizons qui indiquent que le film a été tourné en studio. J’ai toujours trouvé cela charmant, peut-être parce que ça témoigne d’une autre époque où le cinéma n’était pas ancré dans un réalisme à outrance qui laisse peu de place au concret et aux artisans, remplacés par nos technologies toujours plus performantes. Peut-être n’est-ce que moi et mon cynisme grandissant envers l’hypermodernité actuelle, mais il y a quelque chose de réconfortant à (re)découvrir un film fait « à l’ancienne ». White Christmas entre définitivement dans cette catégorie, et vous en mettra plein la vue, oui avec son VistaVision, mais également avec les nombreuses et complexes chorégraphies que vous y retrouverez.
En effet, pour pleinement apprécier le film, il faut évidemment être amateur de comédies musicales. Crosby, surtout reconnu pour le chant, forme un brillant duo (à l’occasion quatuor) avec ses partenaires de jeu. Du lot, c’est véritablement Vera-Ellen qui crève l’écran. Ses numéros de danse laissent transparaître son talent, ce qui explique probablement pourquoi elle est plus souvent mise de l’avant que Clooney, pourtant plus connue à l’époque. Vous serez assurément hypnotisés par sa performance (et un numéro où elle tape du pieds à une vitesse inimaginable). Toutefois, on sent que certains numéros sont un peu forcés, ou du moins qu’ils s’imbriquent difficilement dans la trame narrative. On les justifie en disant que la troupe du duo Wallace-Davis répète pour un spectacle donné à Noël, spectacle qu’il ne nous sera finalement jamais donné de voir.
Il y a beaucoup à aimer dans ce classique du temps des Fêtes, que ce soit la romance entre Wallace et Betty, celle entre Davis et Judy, ou tout simplement leur dynamique de groupe et la scène finale du film, qui témoigne de l’esprit de communauté qui règne dans l’armée. Sorti à peine dix ans après la guerre, il aborde comment certains soldats, après leur retour, n’ont pas su réintégrer la société comme il se doit, ou du moins comment ils l’ont fait avec difficulté. Qui plus est, il présente une certaine effervescence de la société américaine venue après la victoire; des nouvelles « Années Folles » en quelque sorte. Tout comme les autres classiques du genre, il met de l’avant des valeurs traditionnellement associées à Noël. Le tout donne un film très réconfortant qui nous donne presque envie d’avoir vécu dans ces années. Presque…
[…] White Christmas (1954) de Michael Curtiz […]