Yôjinbô (Yojimbo)
Les films de samurai sont souvent similaires aux westerns américains. On y suit généralement un homme seul se promenant de village en village en quête de nourriture ou une quelconque forme de rémunération. Si Kurosawa s’est fortement inspiré de plusieurs westerns pour forger ses films, certains cinéastes se sont également basés sur les chefs-d’œuvre sur du réalisateur japonais, le plus connu étant assurément The Magnificent Seven, basé sur Seven Samurai. En 1961, Kurosawa allie plus que jamais les genres avec Yojimbo, puis Sanjuro l’année suivante, le premier, ironiquement, qui sera refait par Sergio Leone en 1964 en le bien connu A Fistful of Dollars. Racontant l’histoire de Sanjuro (Toshirô Mifune), le film s’intéresse à l’une de ses quêtes alors qu’on le retrouve dans un village où deux groupes de bandits s’opposent. Sanjuro est engagé comme yojimbo (garde du corps) et il tentera de se jouer des deux clans pour qu’ils en viennent à se détruire l’un l’autre.
Le film repose en grande partie sur le personnage de Sanjuro, joué à perfection par Mifune. Son interprétation désintéressée frôle l’insolence, et tout sur son passé ou ses motivations nous est inconnu. Il ne prend aucun parti, et ses décisions ne sont basées sur aucune morale. Il tue tout simplement pour montrer sa supériorité, ou encore n’hésite pas à faire de fausses promesses pour son simple plaisir. On comprend toutefois sa tactique qui est de se faire désirer par chacun des clans, qui tentent de le recruter dans l’espoir que son adhésion permettra d’avoir la suprématie. D’un côté, il y a les contrebandiers de soie, de l’autre, ceux du saké. Entre les deux se trouvent les autres villageois, donc un croque-mort, avec qui Sanjuro fraternisera. Le samurai n’a aucunement l’intention de rejoindre l’un ou l’autre des groupes, et on observe chacune de ses manigances avec autant de plaisir que lui.
Yojimbo est assurément un western, réalisé à une époque de résurgence du genre, et on le constate dès les premières minutes du film. Dès son arrivée au village, le samurai est accueilli par un chien qui tient dans sa gueule une main humaine. Le village lui-même tient en une seule rue (traversée par la fameuse boule de foin qui se promène au gré du vent), et c’est en son centre que Sanjuro fera la connaissance des principaux antagonistes, bien évidemment situés aux extrémités de la ville (ce qui est propice aux confrontations de type « duel »). L’un des gangsters possède même un pistolet, ce qui démontre d’une part qu’on se situe vers la fin du 19e siècle, mais, surtout, à une époque où les samurai sont révolus.
J’avoue que malgré toutes ses qualités – et son excellente photographie – le film n’est pas parvenu à m’époustoufler autant que je l’aurais souhaité. L’idée de base est intéressante, mais les péripéties sont trop peu nombreuses pour nous garder investis. Pour un film de cette renommée, je m’attendais à plus de dynamisme. Les dialogues sont adéquats, sans m’avoir complètement accroché.
Yojimbo est un bon film de samurai, pour autant qu’on aime le genre. Mifune brille une fois de plus dans un film de Kurosawa, sans pour autant que d’autres personnages de l’histoire soient suffisamment intéressants pour nous donner droit à des confrontations mémorables. Il est indéniable qu’à l’époque le film présente des caractéristiques novatrices tout en empruntant aux grands classiques westerns, mais il a somme toute mal vieilli, ou du moins sa singularité est devenue banale de nos jours. En le remettant en contexte on peut assurément en tirer une analyse plus pointue. Toutefois, pris tel quel, il s’apprécie en quelque sorte comme une étude de personnage, sans plus.
Fait partie de la Collection Criterion (#52).